Être en harmonie avec la nature

Voici une phrase jolie, qui sonne bien et qu’on entend souvent. Mais qu’est-ce que ça veut dire, être en harmonie avec la nature? Flatter les arbres quand on fait de la randonnée en forêt? Faire du yoga au soleil levant, devant un océan déchaîné? En fait, je pense que la réponse est un peu plus compliquée, et surtout beaucoup moins cliché.
Petite capsule philo
Heidegger, un philosophe brillant mais malheureusement méconnu, a beaucoup écrit sur le rapport que l’être humain entretient (ou n’entretient pas) avec la nature. Parmi ses concepts phares, l’un des plus intéressants est sans doute l’arraisonnement. L’arraisonnement est, entre autres, de réclamer d’une chose qu’elle nous livre sa raison d’être, pour qu’on puisse la comprendre et la contrôler. C’est ce que la science fait constamment en fait: poser des questions, réclamer des réponses. Pourquoi la Terre tourne autour du Soleil? Pourquoi le ciel est bleu? Pour les arbres poussent-ils de cette façon? Comment ceci? Pourquoi cela?

“Nul ne peut contester qu'en un laps de temps relativement court, les sciences et les techniques ont transformé notre planète au point d'ébranler des équilibres écologiques et ethnologiques immémoriaux, au point surtout de faire douter l'homme du sens de son existence, jusqu'à faire vaciller sa propre identité”
-Dominique Janicaud

Arraisonner, c’est ce que l’humain fait constamment en réalité. Nous avons besoin de savoir, de connaître, parce que ça nous fait sentir en contrôle de la situation. On a tous déjà regardé les étoiles et pensé à l’Univers, à l’infini, avant d’être étourdi en se rendant compte à quel point on est petit.

La curiosité insatiable, le besoin de connaître l’environnement qui nous entoure n’est pas nécessairement mauvais. Mais ça le devient lorsque ça surpasse le respect que l’on peut avoir de la nature. Regarder pendant un court moment les fesses d’une personne qui passe n’est pas trop mal. Lui baisser les pantalons pour voir ce qui s’y cache, c’est beaucoup moins poli.
Sartre disait que “ce qui est vu est possédé”. Nous voulons toujours aller au fond des choses pour les connaître de fond en comble et lorsque c’est fait, insatiables que nous sommes, nous passons à autre chose. Un peu comme un coureur de jupons, après avoir récolté sa satisfaction passagère, cherche la nouveauté.

L’être humain: un coureur de jupons?
Dans notre quête pour comprendre notre origine et notre environnement, nous avons à quelque part cessé d’accepter que ce que qui est si fascinant dans la nature, c’est sa grande part de mystère. Même chose en amour. Connaître une personne de fond en comble, ce n’est pas nécessaire et c’est même peu souhaitable si l’on veut vraiment l’aimer. Le plus grand plaisir d’aimer est quand on se rend compte qu’il y a toujours des surprises chez l’autre. Mais c’est à condition qu’on reste assez patients pour les laisser venir.
Être en harmonie avec la nature, qu’est-ce que c’est, finalement?
Être en harmonie avec la nature, c’est de ne pas chercher à être en harmonie avec la nature.
Être en harmonie avec la nature, c’est de la respecter suffisamment pour attendre qu’elle nous livre ses secrets lorsqu’elle l’aura décidé.

Être en harmonie avec la nature, ce n’est pas d’avoir vu tous les arbres de la Terre. C’est d’avoir vu des milliers de fois le même, et d’avoir compris qu’il était différent à chaque fois.

Auteur et recherche photographique:
Gabriel Gouveia
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